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La Plateforme pour l'amélioration continue de la qualité des soins et de la sécurité des patients (Paqs asbl) s'est donné pour objectif de réduire les dommages associés aux soins. Pour mesurer la qualité de ceux-ci, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) préconise un plan en trois approches: la déclaration d'événements indésirables (EI) par les professionnels de santé, les données structurées collectées en routine et l'expérience des patients. Pour ce projet mené en collaboration avec l'OCDE, la Paqs et trois mutualités (Solidaris, Mutualité chrétienne et Mutualités libres) ont testé l'outil Prim (Patient-reported incident measures) dans le système hospitalier belge francophone. Ce questionnaire d'expérience patient évalue sa perception par rapport aux enjeux de sécurité, les failles de sécurité, la survenance des incidents et leur gestion. Cette méthode revêt deux intérêts majeurs: encourager les patients à déclarer des événements indésirables ou des situations qui ont pu les contrarier et rapporter des événements non documentés par les autres méthodes. Les résultats montrent que 15,8% des patients estiment avoir subi un événement indésirable, 80% n'en ont pas vécu et 3,8% ne se souviennent pas ou ne savent pas. "Ces résultats ne sont pas en contradiction avec ce que l'on observe dans la littérature et ce, même si le pourcentage rapporté dans l'enquête belge est le plus élevé au sein des différentes enquêtes menées dans d'autres pays de l'OCDE dans le cadre de ce projet (3% en Allemagne à 12,6% en Norvège)", peut-on lire dans le rapport de la Paqs. De plus, 14,7% des patients ont connu un autre type d'événement qui les a contrariés. Au total, un peu plus de 30% des patients ont connu un EI ou un événement contrariant. Un peu plus d'un événement sur 4 (26,2%) concerne le non-respect des processus/procédures cliniques, 19,6% sont liés à des erreurs médicamenteuses, 11,6% à des accidents (chutes...), 11,1% aux infections associées aux soins, 9,8% à l'administration clinique, 6% à des problèmes d'équipements médicaux, 4,4% au comportement et 3,6% à la nutrition. Comment l'événement indésirable a-t-il été constaté et géré? Dans 76% des cas, c'est le patient qui l'a constaté, environ 19% ont été annoncés par un membre du personnel et 4,5% ont été constatés par un proche ou une autre personne. Pour les EI non communiqués par le personnel, 89% des patients affirment avoir signalé par la suite cet événement à une personne travaillant dans l'hôpital. Concernant la gestion de l'événement indésirable par l'hôpital, les réponses sont partagées entre expérience positive (43,7%) et négative (42,5%). Les explications données par le personnel (33%), ses excuses (15%) et la proposition d'un soutien (5%) sont considérées comme une bonne gestion. À l'inverse, un manque d'explication de la part du personnel (23,8%), l'absence d'excuses (15%) et ne pas avoir été invité à participer à l'analyse de l'EI (12,5%) sont jugés négativement. Parmi les facteurs pouvant influencer la sécurité des patients, il y a les déterminants propres aux institutions de soins tels que le niveau de maturité de la culture de sécurité ou l'organisation des soins. Mais il y a aussi les facteurs propres aux individus: les populations vulnérables comme les personnes âgées, en moins bonne santé ou séjournant longtemps à l'hôpital, sont davantage exposées au risque d'événement indésirable. Les auteurs du rapport font trois constats: "Il existe une association entre le fait de déclarer un événement indésirable et le sentiment de sécurité dans l'institution. Plus celui-ci est meilleur et plus le patient aura tendance à moins déclarer un EI. Ainsi 7,2% des répondants qui se sont sentis tout à fait en sécurité ont déclaré un EI contre 72,7% de ceux qui ne se sentaient pas du tout en sécurité. Soulignons qu'il est assez logique de voir cette association et que des patients qui ont vécu un EI vont avoir tendance à répondre que leur sentiment de sécurité était moins bon."Vient ensuite la qualité de la communication entre professionnels: si les patients constatent qu'elle n'est pas bonne, ils auront tendance à plus souvent déclarer un EI. "Or, on sait que beaucoup d'entre eux surviennent à la suite de manquements dans cette communication", ajoutent-ils en notant qu'il ne s'agit pas d'un lien de causalité mais d'une association entre deux variables. "Enfin, plus le patient estime que sa parole est prise en compte par le personnel, plus il aura tendance à déclarer un EI. Comme pour les autres variables, il ne s'agit pas nécessairement d'un lien de causalité mais bien d'une association. Cela veut dire qu'une mauvaise expérience liée à un EI peut influencer la perception du patient sur l'accueil de son expression et inversement."Les auteurs du rapport notent, malgré les limites de l'étude, que leurs résultats vont dans le sens de ceux d'autres études: "Ainsi, l'état de santé et la durée du séjour sont deux variables qui s'influencent et qui sont chacune significativement associées à la déclaration d'un EI par les patients. On voit également une absence d'association entre cette déclaration et des variables telles que le sexe, la région de résidence ou encore le niveau d'études."Autre constatation: le point de vue du patient sur les failles organisationnelles (culture de sécurité, délivrance des soins) est associé à la déclaration d'événements indésirables. "Toutefois, nous ne sommes pas en mesure de savoir si ce sont les failles organisationnelles qui causent les EI ou si le fait d'avoir connu un incident contribue à ce que le patient soit plus critique sur la manière dont fonctionne l'hôpital."Les chercheurs entendent poursuivre le développement d'un questionnaire destiné à évaluer les enjeux de sécurité des soins du point de vue du patient, dans l'objectif d'avoir des indicateurs " patients " sur cette question de la sécurité, complétant le système de déclaration des événements indésirables par le personnel hospitalier et s'intégrant ainsi dans une stratégie d'amélioration continue.