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" J'ai beaucoup de tendresse pour les soignants. Je parcours en ce moment la France dans tous les sens et je rends hommage aux personnels hospitaliers", nous confiait Jean Plantureux dit Plantu l'an dernier ( jdM N°2667), à l'heure de déposer les crayons de sa collaboration avec le journal Le Monde, longue de quarante ans. Et après sa tournée dans les Epad et hôpitaux à Paris et également "en province" ou dans les territoires selon la nouvelle formule en vogue dans l'Hexagone, Jean Plantu a désormais accroché ses dessins à la gloire et en hommage aux soignants, héros de la pandémie, aux murs de l'Hôpital Saint-Pierre de Bruxelles. Ce qui ne doit pas trop le dépayser, lui qui avait suivi des études de dessin à l'institut Saint-Luc tout proche... Si le lien avec la Belgique est pour lui très fort, il l'est donc plus encore avec Bruxelles, son empathie (le mot est d'ailleurs dessiné dans l'une des caricatures entouré de motifs et personnages médicaux, voir ci-dessous) pour le personnel soignant et médical, au-delà de celle dont il fait montre pour l'ensemble de l'humanité, s'expliquant également par le fait que ce dessinateur de grand talent a failli devenir médecin. " J'ai été, deux années durant, étudiant en médecine et j'ai même fait un stage dans un hôpital en Autriche. Je faisais des piqûres intraveineuses. Les pauvres...", sourit-il. En présentant ses dessins parus dans la presse sur trois étages du CHU Saint-Pierre, Plantu "affiche" sa volonté de donner conscience aux patients du rôle déterminant que l'ensemble du personnel soignant a eu et a encore face à une pandémie toujours pas éteinte mais que, dans une sorte de résilience certes compréhensible, la population semblerait, pour une bonne part d'entre elle, avoir déjà oubliée, si le masque, toujours obligatoire dans les hôpitaux, n'était pas là pour lui rappeler sa nocive présence. Quelques personnes s'arrêtent sur les dessins encadrés, la majorité passe sans rien voir. Les soignants eux s'y plongent plus volontiers et apprécient la démarche du caricaturiste qui a pris soin de souvent globaliser son discours, d'une part dans ses dessins eux-mêmes - qui sortent du contexte uniquement hexagonal, et de l'autre dans le choix de ceux qu'il a décidé d'accrocher dans l'hôpital bruxellois. " En tout cas j'espère que mes dessins leur font du bien", nous confiait le dessinateur. " Il y avait un moment où les soignants se faisaient applaudir à 20 h, et le matin ils recevaient des croissants pour le petit déjeuner ; et puis des coiffeurs venaient gratuitement s'occuper des infirmières. Ce temps est passé, mais j'imagine que mes dessins leur disent que beaucoup de citoyens les remercient et pensent à eux." La série, à voir jusqu'à la fin de l'été, a été initiée dès le premier confinement et poursuivie pendant deux ans, afin de rendre compte et hommage au rôle essentiel de tout le personnel médical durant cette période très délicate: La drôle de guerre s'intitule d'ailleurs l'un des dessins, qui montre une armée de soldats, une seringue géante remplaçant leur barda. Plantu dessine une infirmière face à une vague de gens alités, évoquant l'épuisement des équipes. Dans une autre image, une de ces collègues, assise cette fois, regarde infirmiers et médecins affairés en nombre autour du lit d'un patient et s'exclame " Et moi? Quand est-ce qu'on s'occupe de moi?" Bien sûr, l'humour est présent comme la poésie lorsque Plantu évoque les Années fioles en référence au précieux vaccin Lorsqu'il recrée La dernière Cène, c'est pour faire dire au Christ: " pas plus de six à table". Le pangolin vient même voler la vedette à la célèbre petite souris de Plantu, quand un militaire chinois lui intime de la fermer alors que l'animal est prêt à se dénoncer. Les références à Hergé sont nombreuses, notamment lorsque le dessinateur célèbre les 80 ans du Capitaine Haddock: le pauvre agite son fameux sparadrap tandis qu'un infirmier lui plonge un écouvillon dans le nez. Astérix passe une tête dans une caricature, tout comme Mickey, dans ce florilège de dessins où la poésie le dispute à l'humour et à l'empathie, trois sentiments que domine le "trait" principal de Plantu, à savoir la générosité. Le dessinateur présent ce mardi 17 mai a d'ailleurs tenu à rencontrer les équipes pour des séances de dédicaces... Un homme porteur d'un grand.... dessein.