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Notons que cette estimation a été faite en septembre sur base des informations dont les directions disposaient à l'époque et avant l'arrivée de la seconde vague. Pour 6% des directions, leur chiffre d'affaires a été réduit d'au moins 40% (voir graphique ci-dessous). Un hôpital sur six estime que son chiffre d'affaires a diminué de 30% à 40%. Un hôpital sur quatre chiffre cette diminution à 25%. Pour 2% des répondants, la pandémie n'a pas eu d'impact sur le chiffre d'affaires de leurs institutions. Ce dernier constat est relativement étonnant. Ces estimations ne correspondent pas à l'analyse réalisée par les experts de l'étude Maha (lire en page 5). Pour Paul d'Otreppe, président de l'ABDH, la différence d'impact sur les chiffres d'affaires des hôpitaux, révélée par notre enquête, peut s'expliquer par la capacité des hôpitaux à réduire rapidement les coûts du travail. "Dans les hôpitaux du secteur public qui comptent des travailleurs statutaires et dans les hôpitaux universitaires où les médecins sont salariés, il est beaucoup plus difficile de mettre les travailleurs au chômage temporaire. Et dans le privé, mettre du personnel au chômage a coûté de l'argent aux institutions parce que des financements ont été supprimés. N'oublions pas que de nombreux coûts de la crise sont cachés."Le CHU de Liège estimait en octobre qu'il ne ferait pas de pertes financières si l'avance de deux milliards annoncée par les autorités est convertible. "Pour l'instant, selon nos estimations, nous allons avoir 50 millions d'euros de perte en 2020. L'impact sur notre chiffre d'affaires tourne donc autour des 10%. Cela représente notre marge bénéficiaire durant dix ans. C'est colossal. Si l'impact financier se limite à une année, cela n'entraînera pas de conséquences à long terme sur nos investissements. À l'inverse, si la crise s'installe, nos investissements seront réduits", commente Julien Compère. "Les hôpitaux ont limité la casse durant la première vague. Les conséquences financières de la deuxième vague seront plus fortes. De nombreux médecins ont fait le gros dos durant quelques mois parce qu'ils n'avaient pas de revenus. Heureusement le confinement a réduit les dépenses. Idem pour les hôpitaux, à la Clinique Saint-Luc de Bouge nous avions un déficit de 500.000 euros fin juin. Ce n'était pas catastrophique. L'impact financier de la deuxième vague sur les hôpitaux sera plus grave", prédit Paul d'Otreppe. Comment les hôpitaux comptent-ils compenser les pertes liées à la forte réduction de l'activité programmée et aux investissements consentis pour lutter contre le Covid? La majorité des institutions comptent utiliser les ressources supplémentaires annoncées par le gouvernement (la fameuse avance de deux milliards) et réduire leurs dépenses. La moitié des institutions se déclaraient prêtes à réduire leurs investissements. Un quart des directions envisageait durant l'été d'augmenter leurs activités pour compenser les pertes. C'était évidemment avant l'arrivée de la deuxième vague. Utiliser les fonds propres ou puiser dans les réserves sont des solutions avancées par quelques directions hospitalières. "Pour nous, il est impossible d'augmenter notre activité médicale pour compenser la réduction du chiffre d'affaires. Notre taux d'occupation en temps normal est de 85%. Notre marge de manoeuvre pour booster notre activité est faible. Certains hôpitaux vont pouvoir le faire, mais j'en doute parce que l'absentéisme risque de se prolonger après la deuxième vague. Il va falloir permettre à ceux qui font des heures supplémentaires de récupérer. Lorsque nous sortirons de la deuxième vague, on ne pourra pas directement se mettre à produire plus de soins plus qu'avant. La situation dans laquelle nous sommes actuellement est le résultat d'un sous-investissement dans le secteur de la santé. Pourra-t-on se permettre demain de ne pas dégager des moyens pour le personnel et les investissements?", interpelle le CEO du CHU de Liège. "Cette été, nous espérions que l'activité médicale puisse reprendre à partir de septembre à 100%", confie le Dr Ventura, directeur médical du GHDC et président de l'AFMC. "Nous n'avons pas rattrapé notre activité en août. Les patients ne viennent plus pour les pathologies non-Covid. Nous avons réduit nos dépenses, bien que pour affronter la deuxième vague nous ne regardons pas à la dépense. Si, par exemple, on doit acheter de l'oxygène, je signe la facture. Nous espérons que tout le matériel acheté sera bien couvert par un financement spécifique. Pour équilibrer notre budget, nous n'engageons plus et nous avons également étalé nos investissements sur 2021."Le président de l'ABDH, Paul d'Otreppe, souligne que les hôpitaux n'ont pas pu percevoir les tickets modérateurs et les suppléments d'honoraires habituellement demandés aux patients. "Pour faire face à la baisse de leurs chiffres d'affaires, les hôpitaux ont réduit leurs dépenses et leurs investissements. Chaque métier a essayé de réduire ses coûts. Certaines institutions ont puisé dans leurs réserves mais elles ne sont pas inépuisables."