...

"Il nous a semblé important pour le secteur d'évaluer l'impact de la première vague sur les finances des hôpitaux", explique Arnaud Dessoy, responsable des études public finance et social profit chez Belfius. "Il s'agit d'une estimation parce que nous ne disposons pas encore des chiffres 2020 pour tous les hôpitaux. Nous nous sommes donc jeté à l'eau. Nous avons pu obtenir pour 26 hôpitaux généraux et six hôpitaux universitaires (sur sept) les comptes du premier semestre de cette année. Nous les avons comparés à ceux du premier semestre 2019. Cette comparaison nous permet de déterminer l'impact de la pandémie dans la mesure où cet impact a été correctement imputé par les institutions dans leurs comptes du premier semestre. Pour de nombreux éléments, il y avait une certaine incertitude."Les experts ont épluché les comptes de ces 31 hôpitaux, en séparant les généraux des universitaires. "Dans cet exercice, nous ne tenons pas compte des compensations prévues par le Fédéral (les 2,250 milliards, ndlr.) Ce sont des avances. Elles ne figurent que dans la trésorerie. Elles ne sont pas comptabilisées en tant que telles. Quelques hôpitaux avaient déjà intégré les aides régionales, plus définitives, dans leurs comptes. Nous les avons retirées."Pour réaliser leur estimation, les experts ont travaillé en prenant deux hypothèses. La première étant que l'impact estimé pour le second semestre 2020 est identique à celui de la première vague. La deuxième, que l'impact estimé pour le second semestre 2020 serait celui constaté lors du premier semestre pour les hôpitaux qui sont dans les situations les plus défavorables. "Intuitivement, on pense que le Covid a créé des surcoûts au niveau des charges (matériel...) et une chute des produits (honoraires...). En réalité, l'analyse des comptes de résultat des hôpitaux suite à la première vague montre une diminution des charges et une diminution des produits", nuance Arnaud Dessoy. "Pour notre échantillon, la réduction du chiffre d'affaires des hôpitaux est, en moyenne, de 8,1% pour les hôpitaux généraux et de 7,3% pour les hôpitaux académiques. Pour les hôpitaux les plus impactés, la réduction est de 10,4%."La différence constatée entre les hôpitaux généraux et les hôpitaux académiques peut s'expliquer par le fait que les institutions universitaires ont eu l'occasion durant la première vague de développer de nouvelles activités de testing. Rappelons qu'à la mi-mars, tous les hôpitaux ont dû arrêter les activités médicales programmées. "Les postes qui ont été les plus impactés par la première vague sont les honoraires avec une chute de 16,7% pour les hôpitaux généraux et de 13,6% pour les hôpitaux académiques. Nous constatons aussi une réduction des produits pharmaceutiques de 7,2% pour les hôpitaux généraux et de 0,9% pour les hôpitaux académiques. Pour ce poste, il y a une grande différence entre ces deux types d'institution."Cette analyse révèle une réduction des produits d'exploitation pour les hôpitaux généraux de 8,3% et des charges de 3,6%. Sur le compte des résultats, le différentiel est de 4,7%. Pour les hôpitaux académiques, l'impact est plus important: chute des produits de 4,6% et augmentation des charges de 2,4%, soit un différentiel de 7%. "En clair, les hôpitaux universitaires sont donc plus impactés", commente Arnaud Dessoy. "Vu que le personnel médical est salarié dans les hôpitaux universitaires, la réduction des honoraires - équivalente en pourcentage à celle constatée dans les hôpitaux généraux - n'a pas pu être compensée par une réduction aussi importante, en volume, de la rétrocession des honoraires que celle appliquée dans les hôpitaux généraux."Au niveau des comptes de résultats, la première hypothèse retenue par les auteurs donne un déficit s'élevant à 5,6% du chiffre d'affaires et dans la seconde hypothèse un déficit de 11,2%. "Sur un chiffre d'affaires de 20 milliards pour le secteur hospitalier, le déficit serait donc de plus de deux milliards", résume Bernard Michaux, directeur adjoint Wallonie chez Belfius. "Cela correspond aux avances du gouvernement, mais pour nous il est surtout important de savoir comment les compensations vont être appliquées pour permettre aux hôpitaux de compenser les pertes. Le Fédéral a prévu cette aide en se basant sur des hypothèses de réduction du chiffre d'affaires plus extrêmes que la nôtre, de 10% à 40%. Il a finalement retenu 40%. Donc les avances seront peut-être finalement adaptées à la baisse. Il faudra voir ce qui restera effectivement à charge du secteur hospitalier", explique Arnaud Dessoy. "Les arrêtés royaux sur les avances ont été publiés mais nous ne savons pas encore précisément ce qui sera à charge des hôpitaux", renchérit Bernard Michaux. "En 2019, le résultat courant des hôpitaux généraux était de 78 millions d'euros. Cela n'offre pas une grande marge de manoeuvre. Surtout si les suppléments d'honoraires et les marges sur la pharmacie se réduisent. Dans le secteur hospitalier, le stress est en train d'augmenter parce que les directeurs hospitaliers ne connaissent pas le montant exact des avances dont ils pourront réellement disposer: 1 milliard, 1,4 milliard ou 2 milliards? C'est une source d'inquiétude alors que le secteur hospitalier s'apprête à investir beaucoup d'argent pour se reconstruire. D'autant plus, que nous ne savons pas si 2021 permettra un retour vers des activités normales."