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Imagine-t-on le Chirec coté en Bourse ? Ou Sint-Vincentius, ou encore la clinique du MontLegia ? Impossible et impensable, jugera-t-on. Il n'en va pas de même dans d'autres régions du monde, en Asie, en Afrique du Sud ou aux Etats-Unis. La Bourse de New York accueille ainsi une douzaine de groupes hospitaliers qui, à l'instar d'une chaîne hôtelière, représentent parfois plusieurs centaines d'établissements. HCA, numéro 1 mondial, possède 185 hôpitaux et 119 unités de chirurgie, gérant par ailleurs plus de 1.000 autres centres de soins. Le groupe emploie près de 250.000 personnes, génère un chiffre d'affaires de 46,68 milliards de dollars (2018) et pèse plus de 43 milliards en Bourse de New York !Que la gestion d'hôpitaux s'affiche ainsi comme une activité résolument capitalistique peut surprendre de ce côté-ci de l'Atlantique. Ces actions hospitalières réservent une autre surprise, à l'investisseur cette fois : leur comportement en Bourse. On pourrait intuitivement les cataloguer comme valeurs " défensives ", à l'instar des actions pharmaceutiques ou alimentaires : dans le secteur des soins de santé, la marche des affaires ne dépend a priori guère de la conjoncture économique. Pour les actions hospitalières américaines pourtant, il n'en est rien. On en veut pour preuve que l'action HCA a enregistré des cours extrêmes de 101 et 147 dollars au cours des 52 dernières semaines. Un écart considérable, digne d'une valeur spéculative !Ce qui a bousculé HCA, comme l'ensemble du secteur de la santé aux Etats-Unis, c'est le débat autour de Medicare, l'assurance-santé publique. Le 16 avril dernier, le patron de United Health, assureur-santé privé qui couvre 50 millions d'Américains, fait une déclaration-choc à propos de Medicare. En Bourse, l'ensemble du secteur tombe en syncope et le titre HCA chute de 127 à 114 dollars, soit de 10%. En quatre jours, il est revenu de 134 à 112 dollars, un recul de 16,5%. Non, les actions hospitalières américaines ne sont pas de tout repos, bien moins que les titres d'autres nationalités. Petit tour d'horizon de quelques grands groupes hospitaliers cotés en Bourse, pour découvrir une réalité fort méconnue et parfois surprenante.Revenons à HCA, pour constater que son histoire aussi est franchement chahutée ! Fondé dans la ville mythique de Nashville, Tennessee, Hospital Corporation of America, devenu HCA Healthcare, entre en Bourse de New York dès l'année suivante. Cette cotation lui permet de financer de nombreux rachats, au point de valoir 5,1 milliards de dollars en 1988. C'est en tout cas à ce prix que Thomas Frist junior, fils du fondateur, lance alors une offre de rachat. HCA ne reste pas longtemps privé, puisque le groupe entre à nouveau en Bourse dès 1992. Pour de bon cette fois ? Non ! En 2006, c'est au tour de Kohlberg Kravits Roberts (KKR), le champion des méga-rachats d'entreprises, de jeter son dévolu sur HCA, en compagnie de Baine Capital. Le chèque se monte cette fois à 33,6 milliards. Et nouveau retour en Bourse en mars 2011 ! Même aux Etats-Unis, un pareil va-etvient sort de l'ordinaire...Par-delà son parcours mouvementé, HCA a fait des heureux, puisque sa réintroduction en Bourse, en mars 2011, s'est réalisée à 30 dollars, soit un quart du cours actuel. Le groupe est très rentable, avec une marge nette de 8,1 %. Notons encore que HCA a, en 2007, revendu les hôpitaux qu'il possédait en Suisse, mais a au contraire élargi sa présence en Grande-Bretagne. A Londres, il détient notamment les cliniques London Bridge et Princess Grace.Deuxième groupe hospitalier américain, Universal Health Services (UHS) est également présent en Grande-Bretagne, avec plusieurs dizaines d'établissements soignant les troubles mentaux, un ensemble construit grâce au rachat de Cygnet en 2014. Opérant au total 27 hôpitaux " seulement ", mais un total de 350 centres de soins, UHS emploie 87.000 personnes. Le titre UHS affiche des cours extrêmes de 109 et 142 dollars sur les 52 dernières semaines, venant d'une trentaine de dollars il y a 10 ans. Un profil boursier assez proche de celui de HCA. Il se situe toutefois plusieurs crans en-dessous au niveau du bilan, avec un chiffre d'affaires de 10,77 milliards en 2018. Sa marge nette est de 7,3 %.A l'autre bout du monde, c'est en Malaisie qu'un géant a émergé. Fondé en 2010 et entré en Bourse en 2012, IHH Healthcare Berhad pèse plus de 10 milliards de dollars, emploie plus de 60.000 personnes et gère 84 hôpitaux dans 11 pays : Malaisie et Singapour, mais également Chine et Inde, Turquie et Abu Dhabi, sans oublier la Bulgarie ou encore les Pays-Bas, où le groupe a ouvert le centre médical Acibadem en mars 2017 à Amsterdam. Un vrai lien avec la Belgique : en août 2018, IHH a commandé une unité de proton-thérapie à IBA, qui sera opérationnelle à Singapour en 2021. Un faux lien avec notre pays : IHH a pris une participation de 31 % dans Fortis, mais il s'agit de Fortis Healthcare, un groupe hospitalier indien... En Asie encore, Bangkok Dusit Medical Services est un autre géant mondial, avec une capitalisation boursière de 12,8 milliards de dollars. Il gère 45 hôpitaux en Thaïlande et deux au Cambodge.L'Australie aussi peut se targuer d'un géant : Ramsay Healthcare, qui pèse 9,2 milliards de dollars. Gérant une septantaine d'hôpitaux dans son pays d'origine, le groupe est également présent en Asie et plus encore en Europe. Il affiche 34 hôpitaux et centres de soins en Grande-Bretagne. Plus spectaculaire : au travers de sa filiale Générale de Santé, Ramsay est numéro 1 en France ! C'est en 2014 qu'il a pris le contrôle de cette ancienne filiale du conglomérat Générale des Eaux, épaulé par Crédit Agricole Assurances. Cette filiale occupe 28.000 personnes dans l'Hexagone, au travers de 140 établissements, notamment axés sur la santé mentale. Ramsay a accru sa présence en France à la fin de l'an dernier, en rachetant Capio, un groupe... suédois qui y possédait 22 implantations. Suite à cette opération, Ramsay a aussi et surtout pris pied en Scandinavie et en Allemagne, avec plus de 160 établissements. But avoué : constituer un groupe paneuropéen leader des services de soins et de santé privés.On s'en voudrait de ne pas terminer ce tour d'horizon par l'Afrique du Sud, qui place pas moins de trois groupes hospitaliers parmi les 15 premiers du monde. Mediclinic International est le premier d'entre eux, avec plus d'une centaine d'établissements occupant quelque 31.500 personnes. Outre son pays d'origine et la Namibie voisine, Mediclinic est présent dans les Emirats, ainsi qu'en Suisse. Avec 18 hôpitaux occupant quelque 9.500 personnes, le réseau Hirslanden y est même numéro un. Mediclinic est par ailleurs actionnaire à 29,9 % de Spire Healthcare Group, qui gère une cinquantaine d'unités en Grande-Bretagne.L'existence de ces géants cotés en Bourse est sans doute une première surprise pour les non-spécialistes et l'importance de leur présence en Europe en est certainement une deuxième !