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So Yung Straga, chief eXperience officer de la Clinique Saint-Jean située au coeur de Bruxelles, est infirmière de formation. " En 28 années de travail dans plusieurs services hospitaliers, j'ai pu me rendre compte de la manière dont les patients sont considérés dans les hôpitaux. Il est faux de dire que le personnel hospitalier ne se sent pas concerné par les patients, mais, au quotidien, de nombreux obstacles les empêchent de faire leur travail correctement. Cela concerne tant le technicien qui répare la plomberie que le chirurgien. La meilleure façon de se recentrer sur le patient est de tenter de voir au travers de ses yeux. L'exercice est relativement simple, mais il faut avoir la volonté de le faire et d'y consacrer du temps. Or, c'est quelque chose qui nous manque dans les institutions de soins. Remettre le patient au centre est un argument contre lequel un responsable hiérarchique ou une direction ne peut pas s'opposer, même pour des motifs financiers. "Est-il possible actuellement dans le secteur hospitalier de dégager du temps pour les patients? Le mouvement des blouses blanches qui s'est manifesté dans plusieurs hôpitaux avant l'été a dénoncé justement une pression jugée trop forte sur les soignants. " Si on observe bien le travail hospitalier, on se rend compte qu'une série d'actes sont inutiles. Tous les travailleurs hospitaliers en produisent. Notre objectif est de démontrer qu'à chaque point d'achoppement on peut enlever certaines tâches et récupérer le temps pour l'accorder au patient. Il est difficile d'accomplir des actes et de garder en même temps le contact avec les patients. Pour changer la culture hospitalière actuelle, il faut expliquer sans cesse expliquer aux travailleurs notre approche. C'est ce que nous allons faire en interne et aussi en externe. Cela ne se fera pas du jour au lendemain."À l'instar de Patricia Lanssiers, directrice générale de Gibbis, qui réclamait récemment de réduire le carcan réglementaire sur les hôpitaux (lire jdM N°2585), So Yung Straga estime qu'il faut essayer de modifier certaines règles, entre autres celles qui fixent des quotas minimums de personnel par service. Et de citer l'accréditation, qui a des effets positifs, mais mobilise aussi une énergie considérable de la part des équipes pour formaliser des procédures et processus. " La démarche idéale serait de déterminer des processus qui sont véritablement utiles aux patients et puis ensuite de les faire accréditer. Diminuer les contraintes revient aussi à améliorer l'expérience des travailleurs. On ne peut pas améliorer l'expérience des patients si on ne soigne pas celle des travailleurs. Les directions hospitalières doivent s'en rendre compte."" Il ne faut pas confondre l'expérience du patient et sa satisfaction ", souligne Vic De Corte, administratrice déléguée de la Clinique Saint-Jean. " L'expérience concerne le patient mais aussi sa famille et les travailleurs de l'hôpital. Rappelons que de nombreuses personnes cohabitent dans un hôpital. Il ne faudrait pas créer une liste des choses à faire pour satisfaire le patient en général. Il faut tenir compte des attentes de chaque individu. Chaque expérience est personnelle. Nous avons créé un poste de chief eXperience officer parce que nous pensons que cela va tous nous aider à améliorer l'expérience de chaque personne en tenant compte de ses spécificités. Par exemple, la prise en charge doit être différente pour une personne isolée ou pour le membre d'une grande famille. Mettre en place cette approche va nous prendre deux à trois ans. L'asbl SPX va nous aider à renforcer notre démarche. "La Clinique Saint-Jean a décidé d'investir dans cette approche en créant un poste de Chief eXperience Officer. " C'est une très belle opportunité pour moi de pouvoir développer ce projet en y travaillant avec des collègues et aussi d'avoir l'adhésion des membres du comité de direction sur ce projet ", commente So Yung Straga.Dans un premier temps, les projets centrés sur l'expérience patient vont être développés au niveau des fonctions d'accueil de la Clinique Saint-Jean : secrétariat de l'accueil et de la morgue, service des admissions, accueil téléphonique, secrétariats médicaux et les 120 bénévoles qui sont en contact avec les visiteurs.L'approche de l'expérience patient va soutenir la politique de développement des itinéraires cliniques poursuivie par la Clinique Saint-Jean depuis plusieurs années. " Si nous pouvons améliorer tous ces contacts qui relèvent de la logistique et du bien-être en complément des soins de qualité que nous fournissons, l'expérience patient ne peut que s'améliorer. Nous allons évidemment évaluer le processus ", souligne la Chief eXperience officer. " Naturellement, nous n'allons pas exclure les soignants et les médecins de cette dynamique. Nous allons travailler par étape ", précise Vic De Corte. "Nous ne remettons pas en cause le travail des équipes. Il est de qualité. Nous voulons y ajouter une nouvelle dimension en profitant de nouvelles opportunités et en développant une vision spécifique. Nous allons d'abord nous concentrer sur les fonctions de contact. Nous allons apprendre au fur et à mesure. Ensuite, nous devrons faire le même travail de réflexion avec les équipes soignantes et les médecins."So Yung Straga remarque que l'annonce au sein de l'institution d'une approche expérience patient a déjà eu un effet positif sur les travailleurs. "Certains médecins me contactent spontanément pour me proposer des idées qui permettraient d'améliorer la prise en charge. C'est une belle surprise."