...
Les hôpitaux se trouvent sur une pente sablonneuse. Comme l'étude Maha le montre, le résultat courant de l'ensemble des hôpitaux généraux du pays a fondu, passant de +147 millions en 2021 à -181 millions en 2022. Une situation causée par l'augmentation des coûts de fonctionnement (+8%) qui n'a pas été compensée par les autorités. " Le secteur hospitalier belge est au bord de la rupture et ne parviendra plus, à l'avenir, à assumer ses missions ", prévient Yves Smeets, directeur général de santhea.Le plus inquiétant est que les hôpitaux n'ont aucune marge de manoeuvre : l'augmentation des coûts de fonctionnement est essentiellement due à des facteurs externes, tels que l'inflation qui impacte la masse salariale mais également tous les achats et le coût des constructions, l'augmentation du coût de l'énergie, ou encore l'augmentation exponentielle des coûts liés à la cybersécurité et à la protection des données." À tous ces défis, le gouvernement n'a donné aucune réponse (ou très partielle) et ne prévoit pas d'en donner dans son budget 2024 ", regrette Yves Smeets.Le directeur général de santhea cite plusieurs exemples. D'abord, en ce qui concerne l'inflation, " l'indexation avec plus d'un an et demi de retard des honoraires médicaux crée, en période d'inflation importante comme nous venons de la connaître, une augmentation des charges d'exploitation qui n'est pas compensée. Dire, comme l'a fait le ministre Vandenbroucke à la Chambre le 17 octobre dernier, que l'index est appliqué par l'Inami avec un certain retard, mais qu'il sera rattrapé en 2024 car l'indexation de la masse des honoraires (6 %) est plus importante que l'inflation prévue (4,10 %), est intellectuellement malhonnête. Cette augmentation prévue en 2024 ne fera que compenser une hausse des charges antérieures et ne rattrapera jamais les charges encourues. "En ce qui concerne l'augmentation des coûts de l'énergie, l'enveloppe de compensation unique de 80 millions d'euros octroyée au premier semestre 2023 ne suffit évidemment pas. " L'évaluation faite par le gouvernement de cette mesure indique qu'elle est suffisante et qu'il n'y a plus lieu d'intervenir à ce niveau. Or, de l'avis de tous les experts, le prix de l'énergie ne reviendra à son niveau d'avant la guerre en Ukraine qu'après un certain temps. De l'enquête réalisée sur le terrain par les fédérations hospitalières, les coûts de l'énergie dans les hôpitaux ont augmenté de 367 millions d'euros en 2023 par rapport à 2021 ", pointe Yves Smeets.Enfin, concernant la cybersécurité, 15 millions d'euros ont été débloqués dans le budget 2023. Un fifrelin pour l'homme fort de santhea qui relève au passage qu'environ un million d'euros de ce budget ne sera pas attribué aux hôpitaux mais conservé par le SPF Santé publique pour ses besoins propres. " En moyenne, chacun des 154 hôpitaux de notre pays (généraux et psychiatriques) recevrait 91.000 euros pour faire face à ses dépenses pour la protection des données et la cybersécurité. À titre d'exemple, le seul coût d'une licence annuelle d'un SOC (plateforme permettant la supervision et l'administration de la sécurité du système d'information au travers d'outils de collecte, de corrélation d'événements et d'intervention à distance, NdlR) s'élève pour un hôpital de taille moyenne à 130.000 euros par an. "La Fédération hospitalière rappelle que le gouvernement doit près de deux milliards d'euros de rattrapage aux hôpitaux. " Pour faire simple, il s'agit de montants dus aux hôpitaux pour les accords sociaux passés et qui ont été provisionnés dans les BMF annuels des hôpitaux pour des montants largement inférieurs à leurs coûts réels ", explique Yves Smeets. " La dernière année complète à avoir fait l'objet d'une révision est 2015 ! Et on estime à plus de 160 millions d'euros par année le rattrapage dû aux hôpitaux. Le SPF Santé publique estime que pour les dossiers relatifs aux révisions 2016-2017, un montant de 387,989 milliers d'euros devrait être intégré à partir de janvier 2024. Ce montant reprendrait également le coût de l'intégration structurelle de ces rattrapages dans le budget des hôpitaux. Il ne s'agit donc pas ici d'effets à la marge, mais de près de deux milliards d'euros qui manquent dans les financements des hôpitaux, à l'heure où les taux d'intérêt remontent en flèche. "Le directeur général conclut cyniquement : " Nous invitions Madame la secrétaire d'État au Budget (Alexia Bertrand, Open Vld, NdlR) et les experts du FMI à venir passer une journée dans un hôpital et à nous expliquer ensuite comment gérer celui-ci et où faire des économies. Ce désintérêt et cette méconnaissance de la situation vis-à-vis des hôpitaux ne peuvent pas continuer. Si des mesures de refinancement importantes des hôpitaux ne sont pas prises rapidement, nous allons inexorablement assister à une baisse de la qualité des soins, une baisse de l'innovation et de l'investissement, une pression accrue sur le personnel entraînant encore davantage la fuite des (futurs) personnels de santé, et une inévitable augmentation des coûts pour le patient. "